Dans toute existence pour comprendre le fil conducteur de ses propres émotions, il faut s’arrêter face au temps et développer le septième art de sa vie dans la quiétude des matins chantants. Pour exprimer quelques souvenirs, arrêtons-nous un instant sur ton grand-père Démétrio, cet homme qui s’est bâti avec comme construction un esprit directif, un sens du devoir, sans pour autant gérer les affaires courantes de manière désinvolte.
Les rares relations que tu as pu tisser,comment en être autrement sachant, qu’il était dans la fin d’un roman, où les fluides lignes se déversaient sur la page, avec un dernier soupir d’inspiration.
Ne te laisse passer griser par la facilité de l’argent, qui risque donner de faux semblants à tes propres aspirations. Il est vrai que tu l’as si peu connu ce grand-père qui te serrait si fort dans ses bras, comme si l’avenir tout entier en dépendait. Toutes ces valeurs humaines qui ne peuvent pas s’enseigner, sinon que par son propre ressentiment d’un vécu au maillon familial.
Ce grand-père qui répétait souvent:battez-vous chaque jour, pour pouvoir exister à la force du poignet, ne prenez pas ce qui ne vous appartient pas, car cela équivaudrait à dérober votre âme, et surtout obtenez vos modestes possessions par la volonté de respecter les autres, et de vous faire toujours respecter par votre loyauté. Au fil du temps l’on s’aperçoit que ton grand-père avait le même état d’esprit que Freud quand ce dernier citait: «La satisfaction adulte n’est que le report de la satisfaction d’un souhait infantile. Voilà pourquoi l’argent, les choses matérielles apportent si rarement le bonheur. Ils ne répondent pas un désir infantile. »
Le père que je suis garde au fond de lui ce côté dubitatif: Dimitri, laisse faire le temps et le cours de la vie, ne programme pas tout par avance comme un brave fantassin,oublie parfois ce mode opératoire de contrôle, à vouloir tout gérer, laisse venir les évènements, et enthousiasme- toi ne serait-ce qu’à travers une période où tu risques de connaître l’ennui, alors qu’importe, l’ennui peut-être la source d’une nouvelle réflexion, d’une nouvelle création. La frustration peut-elle, elle aussi être l’avancée d’une nouvelle idée qui va te permettre d’ouvrir ton cœur pour t’enthousiasmer à la découverte de nouvelles aventures, et de nouveaux horizons qui te semblaient si loin à atteindre dans tes pensées.
Il me semble Dimitri, que le père que je suis devenu à mon tour entrevoit avec toutes les maladresses que peuvent représenter les aspirations d’une vie, car il en est ainsi que dans toute décision à prendre, il y aura toujours une partie qui se sentira lésée, mais néanmoins en agissant avec loyauté et honnêteté l’on peut retrouver le droit chemin de ses propres convictions. Comme le précisait déjà Platon, quand l’âme est sans contact avec le corps, elle parvient au vrai, et , tout particulièrement aux essences, à savoir les réalités absolues.
Voilà pourquoi j’ai commencé par te parler brièvement de ton grand-père, qui sera toujours ce lien qui te suivra toute ta vie. Par son humanisme, et une fois encore l’humanisme vise le développement de toutes les puissances humaines par une culture qui nous rattache au passé de l’humanité, alors oui Dimitri, tu es l’acteur de ta propre existence, et tu deviendras le témoin d’un foisonnement d’idées que tu partageras pour mieux enrichir ta culture.
Quelques lignes sur une brève pensée qu’aurait pu évoquer grand-père, voici ici-bas: La nostalgie du soleil.
Poro-ponpon, poron-poron pompero, verde éra la hoja, verde éra la oliva…
Cette chanson évoque une voix de baryton fière et grandiloquente, pour exprimer le condensé de tous ces instants de bonheur, et ainsi dans ce caractéristique quotidien l’existence prend un sens artistique. Le long des chemins parsemés d’embûches, mais qu’importe cette impétueuse envie de vivre, de croquer l’existence par les deux bouts.
Le soleil pointe fébrilement son nez sur les cimes enneigées de cette cordillère castillane. Le vent froid et sec fait lui aussi son apparition sur la pointe des pieds. Les ruisseaux alentour coulent avec désinvolture et grâce d’une eau claire et précieuse. La nature se protège de la froideur du temps sous un épais manteau blanc. La légèreté de cette robe à la parure translucide laisse apparaître les premiers rayons d’une douce chaleur aux faces lumineuses sous des allures timides et vaporeuses.
Comment voulez-vous que ce monde qui court à perdre haleine, comprenne un seul instant tous ces charmants villages de Mombeltràn de la villa à Seranillos qui forment une haie d’honneur à ces imposantes montages?
Ses habitants vivent dans une certaine quiétude comme si tout à-coup le temps se serait figé sur la place de la fontaine. Ce berceau de l’humanité que représente ce village de San- Esteban del valle si séduisant et attractif par la simplicité de ces êtres exceptionnels à la parole rare mais si avenante, où ils respirent cette chaleur humaine qui se partage dans un esprit à vouloir offrir son cœur au nouvel arrivant.
Les reflets de cristal d’un matin rayonnant animent la pièce inondée de souvenirs enfantins. Ce frêle enfant allongé sur le lit de fortune, ce dernier façonné avec de la mousse et des aiguilles de pins. L’enfant qui est violemment pris d’une souterraine quinte de toux, et d’une courbe croissante de fièvre. Les images répétitives s’embrouillent dans son esprit. Les sourires grandioses et naïfs deviennent des grimaces attirantes de ces monstres aux mauvaises pensées. Toutes ces sensations incontrôlées décomposent ce corps qui subit les attaques incessantes, et entraînent à ressentir monter cette bile spasmodique.
Qu’importe la maladie, car depuis sa fenêtre il observe le parc de la solédad et le château ayant appartenu au duc d’Alburquerque au seizième siècle, alors tous les rêves sont permis pour suivre la trace des célèbres chevaliers, tiens par exemple le fier et orgueilleux Don Quichotte qu’il se représente dans son imagination galopante, ou son orgueil se forge à la rudesse du climat. Il a un point commun avec le chevalier à la triste figure, lui aussi est marqué au fer rouge sur un partie du visage, le principal responsable n’est autre qu’un ventripotent taon qui lui a dévoré la joue, et pour éviter toute malencontreuse infection, il a connu les vieux remèdes du fer et du feu!
Lointaine dans ses pensées est maintenant cette chute de cheval, et malgré sa légère claudication, rien ne peut empêcher ce jeune homme au caractère bien trempé de mettre en bandoulière sa guitare, comme les troubadours au torride romantisme, après une journée à garder voire à couver des yeux son troupeau de chèvres, et d’entonner toute une nuit des chansons aux notes endiablées sous les regards humides et attendris des jeunes filles pleines de grâces, ainsi que de saines et bonnes intentions!
La nature dans son ravissement, l’élégance dans son lyrisme prononcé, où il nous fait découvrir l’émerveillement d’un monde en toute simplicité, qui enfin nous éloigne de cet univers à la complexité ambiguë de quelques cerveaux dominants aux intentions cupides. N’oublions pas que la nature nous a été offerte, et qu’il faut coûte que coûte la préserver de tous ces pollueurs avides de profits.
Les bras m’en tombent quand je découvre cette photo de mon père avec son inoubliable sourire. Alors peut importe les difficultés liées à cette blessure difficile à cicatriser, consécutive à ce déracinement de quitter le pays qui l’a vu naître. Que faire sinon que de partir dans ces années sombres et troubles de l’histoire d’une Espagne franquiste. Le courage sans concession, sinon que celui de prendre le strict minimum et de tourner le dos à la nation, pour espérer offrir un semblant d’une vie meilleure, et de cette manière ci occulter les peines, sous le lourd et rapiécé manteau de la misère qui colle tant à la peau!
Perdu dans tes pensées, tous ces silences de circonstances étaient-ils la source de ta réflexion sur le monde libre et insouciant de ta jeunesse?
Les montagnes qui t’entourent pour ta dernière demeure forment une sorte de protection, de muraille, avec la complicité des vignes, des figuiers et des oliviers. Tout un symbole d’humanité! Alors tu peux pour toujours dormir en paix à la belle étoile, toi le berger à la grandeur d’âme, car mon tendre et affectueux père tu as choisi ton destin, pour que la nature que tu as tant chéri, que tu as tant respecté vienne discrètement se pencher sur tes rêves à l’esprit séducteur. Cette nature qui te couve des yeux comme ceux d’un père pour sa tendre progéniture avec l’éclat larmoyant par tant d’émerveillements, avec en point de mire la cordillère de la Sierra de Grédos. Toutes ces senteurs, la moindre découverte olfactive soit-elle, laisse place à un monde coloré de mille expressions qui expriment certainement le changement des saisons aux palettes représentatives de tes joies et de tes enthousiasmes.
Comme des colonnes romaines, comme des piliers d’une agora grecque, il en ressort une grâce majestueuse de ce monde déchu, mais si grandiose par sa contemplation philosophique.
Oh non, au grand jamais dans cette faille de l’âme, oh non, rien ne nous prépare à voir tomber ce pilier romain ou grec qui a vécu des siècles dans un silence religieux, qui a vu apparaître les prémices d’un monde belliqueux.
Un monde qui a vu naître les tortures humaines, les guerres de religions, les souillures pathétiques de l’esprit pour assouvir l’exquis plaisir, le jouissif désir du pouvoir absolu, alors que parfois le pouvoir n’entraîne qu’un désir fugace et désenchanté.
Dans ces interminables moments de guerres, dans ces brefs instants de paix, dans toutes ces paroles prononcées et qui se sont enfouies au fin fond de ces esprits malmenés par la dure réalité de l’existence, dans le grand espoir de nos ressentiments quotidiens, et surtout malgré toutes les horreurs citées ici-bas, il reste encore la folle envie de croquer les instants bienheureux d’une vie. Les sourires partagés d’une expérience enfantine dans une cour d’école, le mélange d’une naïveté si agréablement transportée dans les airs de la frivolité. La caresse fragile et sensuelle d’une mère à l’âme affective et aimante.
Malgré tout rien ne nous empêche de ne pas pouvoir accepter la mort d’un père, du moins rien ne nous prépare, rien ne nous guide à mener cette barque à bon port un jour de forte tempête, quand tout à coup le phare représenté ici comme symbole par notre père s’est éteint face à la colère des vagues ravageuses. Alors nous buvons la tasse au petit déjeuner de la survie, coûte que coûte cet élan impulsif d’un je ne sais quoi de révoltant nous entraîne vers la berge, qui, inexplicablement nous parait pour X raisons bien plus laide que l’immensité du large!
Certainement les rides de notre jeunesse, nous ont apprises à mieux écouter notre cœur palpiter avec la constance d’une blessure qui ne se refermera que dans un temps encore lointain, et le début de la reconstruction de soi, passe avant
Tout par vouloir en premier lieu accepter les maux, ainsi que les tourments qui nous obsèdent au quotidien.
Peu à peu nos peurs, nos ressentiments secrètement enfouis, nos états subversifs viennent se perdrent dans le flux et le reflux de ces flots chatoyants, qui continuent dans leurs incessants va et vient à vouloir mirer nos cœurs d’une illumination généreuse.
Toutes ces âmes appauvries vont pouvoir s’enrichir ne serait-ce qu’à travers une simple observation des beautés éternelles qui nous entourent et auxquelles nous fermons de plus en plus les yeux, pour ne voir que le noir de nos insatisfactions.
Il est exact de dire que rien ne nous prépare encore une fois à la mort d’un père, car comment oublier ce père qui dans sa longue maladie a combattu corps et âme avec cette épée de Damoclès, avec courage et persévérance, il est devenu ce gladiateur jeté dans l’arène, qui avec bravoure et panache a obtenu le respect de tous. Les acclamations de la foule ne lui on pas fait changer sa trajectoire pour conduire avec dignité, honnêteté et droiture sa vie.
Comment peut-on accepter de voir partir ce père, qui devient à son tour cet enfant que nous avons été?
Comment peut-on arrêter le flot de ses paroles au seuil de la non vie, qui nous mène vers la richesse de son cœur à la sagesse qui mérite le respect?
Comment peut-on stopper les vents capricieux de l’humanité qui soufflent dans les rivières de nos cœurs et nos âmes?
Ne dit-on pas qu’un seul être vous manque et tout est dépeuplé?
Il m’arrive de mieux comprendre pourquoi chaque être humain sur cette surface de la terre a un besoin perpétuel d’analyser sa propre histoire.
Nous ne sommes pas ces écrivains qui chapitre après chapitre construisons une histoire romanesque, avec une dose de réflexions, également une dose voluptueuse et vaporeuse d’élans poussifs, où ces derniers nous entraînent à connaître des aventures uniques. Non, il me semble que chacun de nous essayons avec une naïve maladresse d’avancer dans la vie, tiens comme la comparaison d’un équilibriste sur un fil, en sachant que plus nous allons tomber, plus nous allons nous relever à bout de forces.
Notre esprit efface souvent les douleurs pour renouveler à sa guise une série d’images apaisantes de notre existence.
Alors chaque jour, nous savons que nous devons également composer avec le noir ou le blanc, mais aussi avec d’autres couleurs qui nous font avancer vers un monde un peu plus poétique et meilleur, selon nos propres perceptions d’un instant pleinement vécu.
Alors qui a dit que la souffrance ne pouvait-elle pas devenir dans sa profondeur contemplative et merveilleuse?
Ainsi face au temps, nous nous enchaînons au perpétuel maillon de la chaîne, alors il faut suivre le chemin de la philosophie qui dit: Que l’homme est condamné à rester libre..
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