Les mystères de l’amour

L’amour est cette quête de l’impossible, mais qui nous offre la possibilité de se comprendre, pour un peu mieux se reconstruire…

Une fratrie comme tant d’autres, avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses. Les liens du sang ont cette particularité qu’ils représentent l’empreinte indélébile de ce territoire à ne pas franchir. Tout comme cette ligne jaune tracée sur le sol, qui à elle seule représente dans les esprits la droiture, pour un peu mieux asséner le sens du devoir de tout un chacun.

Voilà pourquoi, quitte à enfouir ses secrets les plus profonds, une famille qui écrit dans les liens du temps, apporte ce témoignage de réflexion, pour essayer de transmettre un soupçon d’existence, à travers l’écoute de plusieurs avis partagés. Une histoire dans la fragilité de nos pudeurs discrètes. Les cœurs résistants en apparence, se brisent à l’image du cristal qui dénote par ces facettes si précieuses à admirer parfois, ces dernières si changeantes, et si fragiles.

Alors sous ce cycle qui nous emporte dans le tourbillon d’une naissance précoce à une vie d’adulte, les espoirs renaissent à pouvoir tenter d’analyser sa propre expérience vécue ici-bas. Une fois de plus, on observe la fluidité de ces gouttelettes qui s’effacent avec une discrétion absolue, pour laisser place à une journée qui s’annonce riche en événements à venir. Nos yeux se mirent de mille et une expressions, pour que nos cœurs palpitent par tant d’émotions!

Dans le jardin de nos pensées, faut-il attendre l’éveil de la majestueuse rose, pour pouvoir accoucher de secrètes écritures, et que la graine germe d’un esprit littéraire pour égayer nos vies?
Nous sommes comme ces oisillons affamés aux corps frêles, vulnérables comme jamais, pendant l’absence de leur mère, qui, dans ces instants de vie, picorent les miettes de leur propre estime.

Audrey

J’observe, en cette douce matinée, les reflets clairvoyants de ce ruisseau. Cette eau limpide qui me rafraîchit le visage, m’évoque cette chambre où déjà ma passion pour la littérature prenait forme, et me donnait cet avant-goût d’aventures aux lointaines contrées. Par la présence d’un livre imprégné d’une cascade bienfaitrice de mots, qui m’apportait dans tout mon être un plaisir indescriptible, rien qu’à vouloir déchiffrer ces gros pavés philosophiques filtrant les milliers de pages à la petite écriture serrée. Mon enthousiasme, sans que le temps ne soit compté, à comprendre toutes ces drôles de situations, où venaient se fourrer mes héros de plume et d’encre.

La plume nerveuse de cet auteur tourmenté, comme un phare pris par la houle dévastatrice en pleine tempête. Paradoxe d’une tempête à apprécier les lignes fluides qui captivaient (et captivent aujourd’hui mon esprit) toute mon attention, ainsi que mon monde poétique. Un monde que je percevais avec une naïve et tendre utopie. Que pouvaient comprendre papa et maman affairés dans le système sans foi ni loi du travail et ses étroitesses, ses rigueurs policées (bien que papa ait toujours appliqué comme credo de faire ce que bon lui semblait. Ses origines attestent d’une profonde et viscérale envie de liberté, inspirées par les règles strictes de la famille, de la musique et de l’amour) à être souvent les esclaves d’horaires saugrenus, et surtout obéir à un supérieur hiérarchique névrosé?

Ma chambre étroite, mais haute de plafond pour mieux stocker mes pensées, au papier peint couleur de notre si douce Provence semblable à un tableau de maître, tiens, pour ne citer que lui, Van Gogh et ces célèbres champs. De ces étroits murs, l’on pouvait respirer la grandeur et l’allure au port altier de ces livres entassés comme des bataillons d’infanterie au garde à vous! Toute ma force, toute ma concentration vouées à ces bouquins, qui pour les uns rien qu’à la lecture des premières pages avaient, comme le bon vin, du corps, de l’intensité, de la fermeté, de la tendresse, et pour d’autres, de la générosité, de la grandeur, de la sensualité, cet univers vaporeux où j’avais si bien réussi à me loger avec tant de passion.
Que pouvaient représenter les punitions de papa et maman, face à ma quiétude et à ma grande sérénité, dès que je feuilletais la première page d’un livre qui recelait des trésors de mots? La multiplication de ces mots, assemblés comme des mains qui s’unissent pour une paix durable, ont révélé ma véritable envie d’enseigner. Si à l’heure actuelle je suis devenue professeur de lettres, il doit bien y avoir une causalité, et certainement j’ai voulu inconsciemment préserver mon âme enfiévrée de poésie, tout comme le miel savouré du bout des lèvres, pour mieux apprécier son nectar!

Il doit y avoir aussi une force qui pousse chaque personne qui sommeille en nous, de désirer défendre une langue si merveilleuse par sa sonorité, si envieuse dans le monde entier. Cet orgueil d’être une citoyenne française, de pouvoir respirer cette riche culture dans toutes les fibres de mon corps et de mon âme. Oui, je crie haut et fort (vive la marseillaise) que mon pays est unique, et pourtant il est si généreux, avec le noble sens du partage, de l’équité pour un avenir meilleur pour tout un chacun. Cette grande nation aux doux terroirs, à la finesse et délicatesse de sa gastronomie. A ne pas oublier les bonnes manières et le savoir-vivre français!

Je sais, je sais, je me répète pour la bonne cause entendue, notre vieille France ne meurt pas, jour après jour, elle doit renaître de ses cendres pour paraître sous un nouveau jour. Telle une jeune fille à la beauté insolente, dans sa candeur représentative, mais belle parce que naïve, ayant tant de chemin à parcourir et tant de choses à nous faire découvrir, pour qu’à tout jamais elle reste ancrée au plus profond de notre mémoire.

Cela me peine, malgré mon enthousiasme, ainsi qu’un optimisme à toute épreuve, quand je propose à mes élèves de disserter sur un texte de Stefan Zweig: Le joueur d’échecs. Je constate (que) toute cette jeunesse (dont je fais partie!) qui va remplir les rangs de l’école en traînant les pieds alors qu’on leur propose une chance de pouvoir s’exprimer avec le talent de leur propre vécu, sur un homme qui a consacré sa vie durant à une liberté d’esprit. Cet être exceptionnel qui n’a pas pu supporter tous ces dictateurs qui endoctrinaient des intellectuels, des masses humaines à commettre des actes de barbarie.
Comme quoi l’homme est dangereux pour lui-même, il passe une partie de son existence à s’auto détruire!
L’être pensant se respecte, et respecte autrui! Pour en revenir à mes élèves, je constate que leur cerveau bouillonne pour essayer de trouver le moindre stratagème et s’approprier le dernier portable, qui va les différencier de leur camarade.

Encore une fois, une hypothétique futilité mentale d’un certain paraître, et à ma grande exaspération, la copie ne sera pas maculée d’encre, pour rester un peu plus vierge.
Du parfait style d’expression: « Mademoiselle, je suis désolé, je n’ai pas su exprimer, voire expliquer la tournure à prendre pour apporter un semblant de vérité » . Ou bien une autre version, dans le genre: « Je suis confus, Mademoiselle, vous comprenez, suite à diverses péripéties, je ne pas eu le temps nécessaire pour réviser dans les règles de l’art, mon texte. Vous comprenez très bien, Mademoiselle, que dans de telles conditions… etc … etc »

Le résultat final, c’est que la pensée ne se matérialisera pas dans un bouillon de dense réflexion. Ne serait-ce qu’à réfléchir sur une situation simple, chargée de bon sens commun. « Oh non, la richesse des mots n’exprime pas le sens que nous réserve l’existence à venir », ma rétorqué un de mes élèves en pleine face: « Mademoiselle pourquoi voulez-vous que je me creuse la tête? Mon père a passé de son précieux temps à se creuser les neurones, pourtant le monde scientifique, c’est son dada en tant qu’ingénieur. »
La triste réalité, c’est qu’il se retrouve à pointer à l’A.N.P.E, un tout jeune quinqua!

Je dois admettre qu’avant de devenir professeur de lettres, je m’étais préparée psychologiquement, pour parer à ce genre de situation. Il faut reconnaître qu’à l’heure actuelle, face à cette réalité sociale, j’ai quelque peu marqué le coup, par des phrases savamment préparées qui flairent une liberté de ton, d’un réalisme effarant sans aucune violente connotation, malgré ma défense de notre langue française, transmise à dures peines par nos ancêtres, mon amour inconditionnel des mots qui métamorphosent une âme, voilà la raison pour laquelle je veux transmettre avec ardeur, détermination, et surtout sincérité, mon modeste savoir à mes élèves.

D’un raisonnement à un autre qui se vaut, qui se défend, mon élève Théophile a mis le doute dans une partie de l’assemblée présente et redresser la barre avant que le navire ne coule, n’a pas été une mince affaire à gérer!
Théophile a tenté d’enfoncer le clou en s’exprimant de la sorte: « Mademoiselle, nous avons tout le temps pour nous embrumer la tête, ne croyez-vous pas qu’il faut que jeunesse se passe? Et après on verra!
Sa dernière question m’a saisie à la gorge avec un parfait nœud coulant. « Dites Mademoiselle: pourquoi étudier?
J’ai gardé mon sang-froid, en argumentant, en expliquant certains détails de la vie quotidienne, par exemple en insistant (sur le fait) qu’un si bel esprit doit se poser les questions qui torturent ses pensées pour arriver à une logique, et que de cette tautologie découle une meilleure compréhension.
De même que sans éducation, un être est lésé toute sa vie, et ne serait-ce que l’amour que lui témoignent son père et sa mère sont les plus valeureux arguments, qui vont faire de lui sa grande force, qui le fera avancer pour retrouver une sérénité, et ainsi éviter les obstacles du quotidien et ses méandres. Il a retrouvé son esprit flamboyant.
A la fin du cours, Théophile est venu s’excuser. Il m’a expliqué la dépression de son père qui durait depuis des mois, sans qu’il puisse remonter la pente. Une dépression chronique où est venue se rajouter la prise d’anxiolytiques au savant mélange d’alcools, avec des effets secondaires explosifs!

Le rapport père- fils a parfois des ratés, tout comme la ville de Rome ne s’est pas bâtie en une seule journée, avant une bonne mise en route, surtout quand il s’agit de fortes personnalités! A un moment clé d’une vie, où l’enfant vole vers de nouveaux cieux, ce dernier va découvrir, au fil du temps, un long chemin d’un travail intérieur qui va le conduire à douter de ses propres capacités, après divers et incontournables tâtonnements, qui se manifesteront par des coups de cœur, des coups de gueule. De ce résultat découlera l’avènement caractérisé d’un homme responsable.
Cet homme qu’il va devenir, va prendre ce nécessaire recul pour ne pas juger trop durement ses propres parents. Il va se reconstruire et comprendre que, chaque jour, il sera confronté à faire des choix, qui feront de lui le citoyen qui aspire à un monde meilleur, en ayant toujours à l’esprit qu’il fera bouger la société en gardant son identité et son histoire.

Après cet entretien très révélateur, je me suis surprise sur le sens à donner à sa propre existence, le quotidien pour ces jeunes qui vivent dans un univers d’aliénés. Nous leur rendons les clefs d’une planète souillée par une perpétuelle course au profit, où il n’y a pas de place pour les faibles, ceux qui n’arrivent pas à s’accrocher au wagon chargé d’or!
Cette course à l’argent à tout prix, pour ces neurones greffés de coffres-forts blindés dans leurs pensées les plus intimes!

Mais qu’est devenue notre manière de penser?
Des milliers d’individus deviennent une partie d’échecs, jouée un samedi soir autour d’un gargantuesque festin par des fortunés de la finance, tous ces actionnaires avides de tirer de juteux dividendes. Alors comment un jeune, dans cette société, peut-il accepter avec toute sa naïveté et sa pureté d’âme, que ses parents soient les pions de ce système?

Les jeunes en ont marre d’être les dindons de la farce, alors, après avoir compris que leurs parents suent à chaudes gouttes pour un salaire dérisoire en fin de mois, ils choisissent le plus court chemin, celui qui mène à une vie plus facile. Une vie où le paraître se consomme avec succès, quitte à ne pas suivre les voies de la légalité. Il s’avère qu’une fois intronisé, il est très difficile de pouvoir se sortir des griffes de ces réseaux de l’ombre, qui paradoxalement sévissent auprès des jeunes en plein jour!
Ces réseaux de l’ombre qui sont menés en main de maître par des adultes véreux qui n’hésitent pas à enrôler des jeunes en manque de repères. Ils sont par la suite marginalisés par la société, et ensuite, ils deviennent des proies faciles, et sont manipulés comme des pantins désarticulés. Pour certains, après de très bons et loyaux services, ils peuvent se payer la dernière marque d’un célèbre équipementier. Le souci majeur, c’est que les adultes manipulateurs leur permettent de devenir les caïds d’un jour, et ces jeunes pensent retrouver une « dite » importance, un noble esprit de famille, comme dans certains clans que l’on cite en référence.

Pure foutaise, ces réseaux veulent avant tout attirer dans leurs filets d’excellents passeurs rusés et futés pour ce genre de travail. Ils ne posent surtout pas de questions. Ils deviennent des diamants à l’état brut en future phase de polissage! Une anxiété soudaine paralyse ces jeunes après un savant lavage de cerveau. Des nouvelles responsabilités se manifestent dans leurs esprits malmenés, dues à vouloir être aux yeux de leurs mentors ou de leurs « protecteurs » les plus rentables dans cette mise à hauts risques!

Une semaine après cet incident avec Théophile, je me suis dit: ne faut-il pas écouter son propre silence, pour entrevoir l’orée de ses battements de cœur, dans le sentier émotionnel de son enfance? Finalement, l’amour est vécu à travers le comportement de sa mère qui par ses gènes, transmet un code de conduite à tenir toute sa vie pour devenir de fiers soldats, en fait les petits anges du premier du premier régiment!

Par cette fenêtre ouverte aux quatre vents où nous ingurgitons ce lait maternel, pour que dans les mois à venir nous allions disséquer dans notre subconscient les contes narrés avec ferveur par papa et maman, avant le passage du marchand de sable. Les premières phrases lues avec lenteur, les premiers mots écrits à l’écriture malhabile, où cette dernière à noirci la page vierge. Les pages s’envolent dans un courant d’air intempestif qui vient caresser ce visage gracieux de femme, et par son air de madone, il représente notre avenir, au creux de ses seins généreux.
Les courbes de ce corps dénudé prouvent la beauté de ce monde, face à l’immensité captivante de l’océan.

Cet homme d’âge mûr, (nous avons dix-sept de différence) ses cheveux poivre et sel, son charisme, sa prestance m’ont séduite pour me frapper en plein cœur.

Comment se fait-il que moi, Audrey, je n’aie jamais pu oublier ce premier flirt? Nos yeux remplis d’une lueur renaissante, au détour d’un regard prononcé, d’un sourire furtivement partagé; ses mains fines et délicates comme de la soie, pour sculpter mes formes féminines, qui, à travers son expression retrouvent un torrent clair et limpide de sensualité. Oui, au fil du temps, la cicatrice du plaisir s’ouvre pour me remémorer aujourd’hui encore son sourire si romanesque, et surtout sa folle raison de vivre.

Ce que l’on peut dire de cet homme, c’est qu’il aime les femmes, non avec cette manière brutale, mais avec la poésie des mots. Sa douceur, son regard de braise qui enflamment les cœurs asséchés par tant de déceptions amoureuses.
Le débit de paroles lyriques expriment le concert d’une musique enchanteresse et romantique qui reste à tout jamais gravée dans le cœur des femmes. Au creux de l’oreille, il susurre des douceurs d’été à la chaleur torride, ou bien ses baisers dans le cou, apportent une éclaircie d’une nuit de printemps parfumée. Sa présence est un vent d’alizé qui fait frissonner des corps qui s’attirent, sur une plage déserte, où l’avenir leur appartient , et le monde s ‘agenouille pour mieux les servir de cet amour unique.

Il n’a pas un style préétabli de femmes à séduire, ni un tableau de chasse à respecter. Le jeu de la passion est une mise en scène charmeuse, qu’il joue chaque soir au gré de la brise légère. Il interprète avec son cœur un show devant ces dames, à la fragilité d’une caresse et des mots sensuels, si peu exprimés jusqu’ici. Ce premier contact, semblable aux herbes sauvages sur les dunes balayées par un vent, qui vient adoucir la cruauté des hommes, d’un paysage métamorphosé par le temps.

Il n’a pas la carrure d’un sportif de haut niveau qui passe des heures entières dans les salles de musculation, mais il possède dans tout son être ce charisme qui manque cruellement aux hommes, (par lâcheté?) et un humour un rien naïf pour parfaire la beauté de ses sentiments. La fragilité d’une femme devient, pour lui, une grande fascination, une sorte de jouissance inexplicable, inavouable. De cet aspect, il en ressort que devenir le confident de ces dames lui procure des joies intenses, qu’il ne peut lui-même comprendre.

Le souffle court et suave, le parler à mi-voix, la gestuelle dans sa splendeur rythmée par des mains expertes. Le désarroi féminin dans sa douleur, qu’il en devient émotif. Dans ces instants d’une vie, il sait si bien être à l’écoute. Par la suite, il rassure avec des mots apaisants ces êtes fragiles.

Les silhouettes qu’il dessine dans ses rêves bleus lui offrent cette quiétude, cette joie retrouvée, qu’il n’a pas eu dans son enfance, malgré tout son amour pour l’être adoré que représente sa mère. Cette mère n’a jamais su prodiguer des gestes affectifs, qui plus est, encore faut-il que le maillon d’une génération puisse apporter un semblant de tendresse. Dans une période trouble de l’histoire où chaque individu avait d’autres préoccupations que de faire peser un tendre regard sur un enfant! Il ne sait plus comment se débarrasser de cet état d’excitation extrême qui, encore une fois, par les voies inexplicables de la raison, lui donne ce goût amer de la vie, cette nausée qui remonte en décomposant toute une structure bâtie dans le respect, la pensée juste, l’honnêteté en prime abord.

Comment peut-il se libérer de ce plaisir de rencontrer une jeune- fille, une dame, pour pouvoir enfin exister et surtout démontrer son savoir- faire, alors qu’on lui a appris à n’aimer qu’une seule femme en la respectant jusqu’ à la mort?

Il a cette grâce d’écrire une phrase qui se veut contemplative, par la densité de sa réflexion. Je me souviens des petites phrases qu’il adore écrire au dos des livres quand il termine de les lire. Son visage enfiévré comme un jeune débutant qui découvre le monde si particulier de la littérature, il a toujours un regard illuminé à l’image d’un malade gravement atteint, qui espère un miracle en se rendant en pèlerinage à la ville de Lourdes. Cette dévotion est en partie due à l’ensemble des règles qui régissent un art.
Toutes ces métaphores qui donnent au texte un nouveau sens, ou tout simplement une secrète envie de découvrir à travers des récits majestueusement interprétés par ces écrivains tourmentés, d’une vie qui leur échappe.

L’image la plus représentative peut-être ce château de sable, solidement fortifié par cet enfant bâtisseur, où la mer avec discrétion a emporté son œuvre. Ainsi, il peut s’évader dans sa bulle et dans ses longues ballades, il se couche sur la mousse humide pour respirer la magie des livres qui le fascinent. Il a un sourire caché au fond de son cœur, quand il lit. Une aura se perçoit au loin quand, assis en silence, il décortique les mots avec un plaisir sans équivoque. Déjà son cerveau bouillonne à l’idée d’avoir un brouillon qui se matérialise dans son esprit . De cette manière, il va pouvoir remplir la page avec une certaine extase.

En fait, la lecture et l’écriture sont ses raisons de vivre au quotidien, un idéal qu’il s’invente à la façade de ses lignes, qui retracent son amour inconditionnel pour les femmes.
Mais aussi les doutes qui le saisissent de ne pas pouvoir leur offrir un peu plus de magie, et qu’elles rayonnent d’une beauté singulière. Selon ses principes, il faut épouser la douceur des mots pour que les femmes retrouvent une nouvelle jeunesse qu’elles n’ont pas pu se construire, car leur vie est ailleurs, par exemple, dans un conte aux nuits douces, libertines, où le plaisir de se donner à la nuit est le seul atout à jouer. Alors pourquoi ne pas faire partie de la fête, se répète- t’il?

Lors d’une soirée entre amis, ses doigts brûlent et il faut lui procurer un morceau de papier et un stylo. Il laisse libre cours à son imagination, pour écrire à une inconnue au visage masqué par une mèche capricieuse et rebelle.
Ce signe apparent d’une timidité cachée, mais aussi sa raison de prouver par ce jeu coquin et complice de regards, qui laissent présager une suite aventureuse. Son fidèle ami, le stylo est tout simplement sa carte de visite, (du subconscient) pour entrer dans une stratégie voluptueuse de mots!

Ce sourire qui ravage les hommes depuis la nuit des temps, ces gestes qui troublent et qui finissent par se rencontrer, pour n’en faire qu’une plaisante histoire à deux: le savoureux mélange de tendresse, de complicité, qui naît au murmure gémissant de ces arbres perdant leurs feuilles, pour dévoiler leur intime pudeur.

J’ai les larmes aux yeux en feuilletant ces manuscrits, ces phrases écrites, mais qui restent si muettes qu’elles deviennent complices au bas de ces pages, la création d’une romance avec ses écrits, ou avec mes yeux émerveillés sur la pureté d’une réflexion. Les inspirations du moment ou encore son mode littéraire, où les femmes sont devenues pour lui les seules vérités de son existence. Il laisse avec discrétion des mots d’amour suspendus au hasard de la pièce. L’amour omniprésent, cette soif à vouloir prouver un éternel sens de la poésie. Cette corde sensible avec laquelle il voltige, pour devenir l’équilibriste sur la piste émotionnelle, et enthousiaste, de la plus parfaite rime, ne serait-ce que par sa sonorité.

Il a un petit coin réservé où il entasse des vieux cahiers. Il s’isole pendant des heures pour laisser courir allégrement son stylo, et ce dernier s’exprime avec un enthousiasme effréné le long des lignes qui n’attendent que l’inspiration du moment. Dans cette course à transcrire les mots, les annotations sont omniprésentes Il y a d’autres sigles bien spécifiques qui sont rajoutés dans la marge. Les flèches se baladent dans tous les sens, comme les grandes avenues de New- York, les virgules se répètent, les points se précisent. Il aime se perdre dans cette jungle, où l’encre brille par son émotivité à vouloir noircir le papier d’une histoire dense, ou bien un récit sorti tout droit d’un bref instant à contempler le monde.
Son regard constitue des parcelles de mémoire, et il arrive ainsi à créer une relation durable avec son outil de travail à l’écriture naïve.

Quelque- part, cela devient un jeu. Il préfère avec un air désinvolte, ne pas avouer sa passion discontinue, à offrir son cœur en toute nudité. Il peut, de cette manière, respecter chaque souvenir de féminité en remplissant les pages. Dans chaque recoin de sa vie, il tente de devenir le lecteur assidu de ces lignes. Un jour, il espère deviner la passion intérieure des auteurs, et à son tour découvrir un nouveau chapitre.

Tu m’as crié tous ces tendres sentiments en accord avec la grandeur du large, pour qu’au retour des vagues, les écumes écrivent majestueusement tes pensées, sur le sable qui frissonne à la caresse coquine de la plume excessive.

Quand j’effleure mon ventre arrondi avec une tendre délicatesse, et que les à-coups de ton fils me signalent de lui procurer un stylo et un cahier afin d’accoucher des écritures émouvantes, mon cœur palpite comme jamais, car au fond de moi, je vis allégrement avec un homme comblé par ses expériences passées. Je ne suis pas jalouse des femmes qui ont traversé ta vie, avec plus ou moins d’importance. Bien au contraire, je sais que ce sont-elles qui ont fait de toi l’homme que tu es devenu aujourd’hui, celui que j’aime avec toutes ses qualités et ses défauts, cet homme si romantique, avec cette formidable capacité de s’émerveiller de tous les petits bonheurs de la vie. Je sais qu’il représente toujours ma seule et unique raison d’aimer, pour fonder un bonheur à trois!

Une toute petite dernière chose, les livres cachent des trésors insoupçonnés, des coffres au butin inestimable, par la rythmique de ces phrases, où la découverte est encore plus précieuse, à l’image de ces écrits accouchés par des auteurs lors d’une nuit blanche au trouble émotionnel d’une page qui va perdre sa virginité! Tiens,par exemple, les écrits de Léonardo Padura: on ouvre les cuisses d’une femme conquise par amour pour s’extasier et s’approprier ses parfums secrets et ses couleurs les plus profondes.
N’est-ce pas aussi cela l’ivresse de l’écriture et de la littérature?

Marc-Antoine

Je suis le petit frère « entre guillemets », car l’année prochaine, ce sera pour moi la majorité. Super méga génial, je vais pouvoir devenir un vrai citoyen, avec tout le tralala que cela comporte, c’est à dire le droit au vote, et je vais rentrer par la porte principale, de tous ces hommes qui se respectent. Donc, j’élève la voix pour prononcer mon droit à l’indépendance, bien qu’il soit difficile de parler de la dite chose car, depuis l’âge de quinze ans, ma soeur Audrey couvre mes sorties nocturnes.

Je dois avoir quelques similitudes avec mon père qui rentre par la porte pour ressortir par la fenêtre! (Cela ne s’applique que pour son job de commercial, car avec obstination, quand il a décidé d’un but à atteindre, rien ni personne ne le stoppe!)

Dans toutes les familles, il y a le petit canard boiteux, moi, je suis celui-là. Je revendique haut et fort: oui à l’indépendance à deux cent pour cent, et oui également à la soumission, sinon à quoi servent les parents s’ils baissent les bras à l’avènement de la bénigne incartade et ne sévissent plus?

De toutes les manières, quand on a la chance d’avoir une soeur super compréhensive qui a toujours eu la confiance de mes parents, on peut, à juste titre, lui faire une confiance aveugle. Audrey est une nana hyper carrée dans son organisation méthodique, en plus, pour couronner le tout elle est très studieuse. Il me semble qu’elle a un certain don pour les études. Vous pouvez réviser pendant des heures comme moi, mais rien n’y fait. Elle a cette fibre, et contre ce

talent innée, on n’y peut rien. Enfin bref, je me la raconte, cela ne va pas m’empêcher de dormir. Pour revenir au sujet d’Audrey, elle des notes et des remarques élogieuses de son recteur d’académie, vu que c’est la première année qu’elle enseigne, et pas des petits!

La messe est dite, amen!

Je dois reconnaître, si j’ai une pointe de sincérité, que non seulement Audrey est canon avec ses longues jambes, son teint naturel bronzé de ses origines andalouses, ses yeux verts, intenses, rien qu’à voir mes potes qui rétorquent: « Hé man, ta soeur elle déchire grave, ma parole, sur ma foi inébranlable, cette nana, c’est la huitième merveille du monde! » Mon meilleur pote, Marco, se met dans des états pas possibles, un peu comme le loup de tex Avery. Marco me répète inlassablement: « Ta soeur est extra ravissante mais maintenant, avec ses lunettes sexy, une vraie intello. Au nom de notre infaillible amitié, que je me fasse gerber par un crapaud d’autoroute, si ce n’est pas vrai, je rêve, cette nana c’est une méga bombe!

Parfois je me dis, quel monde ingrat, je suis un nabot, junkie de surcroît. Comment expliquer, il m’arrive parfois de fumer un gros buzz et je m’éclate à partir dans mon univers à caresser les étoiles. Mais c’est qui, celle-là? Tiens, c’est qu’elle est séduisante, cette météorite!

Je porte une barbe qui pousse comme les mauvaises herbes d’un pénitencier qui garde encore ses fantômes en Guyane. Enfin, quoi, la nature ne m ’a pas trop gâté, j’ai un physique à la rue. Mais bon, je ne vais pas trop me plaindre, j’ai musclé mon corps où se dessinent de superbes pectoraux. (Si, je vous assure!) La pratique de la gymnastique durant sept ans m’a permis de posséder un corps d’athlète, et un mental à toute épreuve! Alors, dès que je me ramasse un râteau avec une fille, et je ne sais pas dire pourquoi, je choisis toujours des plus grandes que moi, mon obstination s’accentue pour reprendre de plus belle la course à draguer

la meuf.

Pour commencer, je vais vendre mon scooter trafiqué à la super dose de « méthanol hyper boosté ». Comme se profile à l’horizon l’été, je vais pouvoir rempiler ma deuxième saison au camping des douces violettes. Oh oui, je vous vois venir avec vos gros sabots, il est enrôlé dans le monde du travail et ses exigences. Alors que je vous prévienne tout de suite, ce n’est pas du tout ça. Je vais bosser le matin, avec comme compagnon de fortune un triporteur aux couleurs de l’O.M peuchère! Il a fière allure pour filer droit au but.

Mon job consiste à gérer au mieux les emplacements des nouveaux arrivants au camping. En quelque sorte, je vais devenir représentant placier. Eh oui, il faut satisfaire la clintèle avant l’arrivée du chant des cigales.

Il est vrai de dire qu’il y aura des coups de bourre, mais bon, ça va aller, cool. Le gérant du camping est un homme sec comme un légume, ce n’est pas pour rien qu’il est devenu végétarien, il se la joue sympatoche avec moi, car c’est le meilleur pote, de longue date, de ma mère, et c’est surtout lui qui a fait découvrir à ma mère les plaisirs d’un bien-être amoureux. Donc, tout ça pour dire que c’est un mec qui me comprend avec toute la psychologie d’un adulte. Lors des lendemains de beuverie, et que j’arrive avec la bouille enfarinée à ne plus reconnaître le sens de l’orientation, où se trouve ma gauche ou bien ma droite, il me confie, à ce moment-là, le nettoyage ultra lubrifié des chiottes. Ce n’est pas plus mal à respirer les odeurs javellisées, pour me permettre de refaire surface, et de me réveiller une bonne fois pour toutes!

Enfin, bref, une chose est sûre c’est qu’à ma majorité je passe mon permis, et zou! Une fois ce dernier en poche, je m’achète un bijou à la carrosserie rutilante, une caisse décapotable avec les bandes blanches sur les pneus, vous voyez de quoi je cause? Une petite merveille sortie tout droit

des usines de Chicago, eh oui, CHI-CA-GO. Il faut comprendre que je n’ai pas trop envie de me casser les fesses à trimer comme un abruti pour des clopinettes, moi, je suis beaucoup plus une cigale. Je n’ai pas envie de m’identifier à une fourmi qui travaille du matin au soir, n’est-ce pas mon cher papa? Il travaille comme un dingue à bouffer des kilomètres d’asphalte.

Non, je me vois plus dans la peau de ma mère, elle est peinarde à se dorer la pilule elle bosse à tout casser douze à seize heures par semaine. Il faut être objectif, elle en est à sa deuxième dépression. Maintenant les enfants sont les rois du monde de leur foyer, et si on a le malheur, comme ma mère, de parler sèchement à un élève qui passe son temps à glander, ou bien à chahuter avec les autres, et qui ne veut rien écouter des enseignements prodigués par le cursus scolaire, les parents rappliquent pour faire un strike aux professeurs. Selon eux, leurs enfants vont s’en sortir dans la vie quotidienne, ne serait-ce parce qu’ils ont une répartie sans égales. Il devient très difficile de garder une certaine objectivité pour ces parents qui traînent leur mal-être depuis leur enfance, alors dès qu’on a un franc-parler comme ma mère et qu’on touche à leur dernier rempart, ils pètent littéralement un câble.

Enfin bref, ma mère doit encaisser toutes ces invectives, au point qu’elle est suivie régulièrement par un psy. Elle a connu quelques absences répétées pour être soignée dans un hôpital psychiatrique de Marseille.

Je vous rassure, ma mère n’est pas folle à lier. Il suffit de comprendre, et de se mettre quelques instanys dans sa peau. Quand vous aimez votre métier avec passion, comme c’est le cas pour ma mère, et que vous partez la peur au ventre, n’oublions pas pour la petite anecdote, (je dédramatise) qu’elle s’est fait agresser en plein cours à l’arme blanche! Pour certains élèves, le devoir d’apprendre n’est plus une obligation, mais un combat de rue, avec à l’intérieur un

mélange explosif de provocations en tout genre, et les méthodes d’enseignement deviennent des jeux de quilles où il faut faire feu de tout bois!

L’aspect positif de tout cela, c’est que si l’on est très costaud mentalement, on peut se payer de superbes voyages!

Enfin bref, trêve de plaisanteries, tous ces gosses incivilisés, livrés à eux-même, sont en train de bouffer les nerfs de ma chère mère.

Je vais, plus tard, à mon tour, les mener tout de suite dans le droit chemin, avant qu’ils ne bifurquent au carrefour de la violence gratuite. Je m’imagine très bien devenir un policier très strict avec la discipline. Qui suit les règles à la lettre, (ce n’est qu’un clin d’oeil pour ma brillante soeur Audrey) et qui fait régner l’ordre. Je ne veux, en aucun cas, avoir des propos contradictoires. Je m’explique: une fois, je suis flic pour la bonne cause, et une autre fois, je suis voyou pour semer la pagaille, en somme foutre le bordel!

Non, je vous rassure, ce sont des vocations qui naissent très tôt. Déjà, par exemple, quand mon père m’achetait des play-mobils, je lui demandais avec insistance de choisir le poste de police, les voitures aux sirènes hurlantes, les hélicoptères de la gendarmerie, etc…

Après tout, parfois il faut savoir passer dans le camp des méchants, pour analyser les forces vives, mises en place, avec leurs codes, leurs stratégies. Plus tard, il sera plus simple d’opérer dans ce microcosme humain aux pensées destructrices et, par la même occasion, un peu mieux anesthésier les forces du mal. L’être peut devenir bon, à la seule condition qu’on lui enseigne, dès son plus jeune âge, les degrés entre le bien et le mal à travers sa propre psychologie, avec les limites à ne pas franchir, tout en sachant desserrer la bride, pour ne pas frustrer un enfant, toujours en quête de découvrir avec avidité les interdits.

Allez, je suis dans mes propos, un peu vache. Va savoir, c’est peut-être pour regarder le train? (Ok, je reconnais c’est une blague à deux sous!) Par la force des choses à brouter et à sniffer les rails d’herbe à la senteur parfumée!

Cool, man, il faut savoir décompresser, alors promis, demain j’arrête car un avenir nouveau m’attend aux portes de la majorité, avec comme destination, à la rentrée prochaine: l’école de police. Ciao, la douceur marseillaise, et bienvenue à la capitale. Je peux te dire que là, mon petit gars, il ne va pas falloir déconner. Alors je vais en profiter un max, après mon job au camping des douces violettes, pour être en communion avec d’autres sortes de fleurs!

Donc, pour ne pas faire trop de peine à ma famille, je vais m’enrôler dans un monde honorable de respectabilité, et peut-être que l’uniforme va faire craquer toutes ces grandes filles! Je termine moi aussi, par ces quelques phrases de ce bouquin de Susanna Tamaro: (vous l’aurez compris, sur les judicieux conseils d’Audrey!)

« Quand plusieurs routes s’offriront à toi et que tu ne sauras pas laquelle choisir, n’en prends pas une au hasard, mais assieds-toi et attends. Respire profondément, (deux minutes papillon, souvent quand j’étais petit j’avais les bronches très prises. Ok c’est bon, je respire profondément pour garder toute ma concentration!) avec confiance, comme le jour où tu es venu au monde, sans te laisser distraire par rien, attends encore et encore, ne bouge pas, tais-toi et écoute ton coeur. Puis quand il te parlera, leve-toi et va où il te porte. »

La messe est dite, amen!

Juan-Eduardo

J’en ai ras la casquette de m’avaler des kilomètres. L’histoire kilométrique est une chose, mais le pire, c’est qu’on va me retirer deux points sur mon permis, et pour un commercial cela peut devenir dramatique. Le compte initial de douze points en est rendu à sa plus simple expression, à savoir, plus que quatre malheureux points, la totale quoi! A chaque fois c’est la même phase de représentation qui se répète: « Gendarmerie nationale, veuillez couper votre moteur. Vos papiers S.V.P. » (Tout à coup cela devient hilare, je m’aperçois, sans aucune mauvaise foi ni ironie de ma part, c’est que si l’on inverse les lettres, le résultat est P.V.S, procès verbaux salutaires!)

« Monsieur, vous avez enfreint les règles du code de la route », du style dépassement d’une vitesse de dix kilomètres /heure, « vous avez mordu la ligne continue, vous avez déboîté devant vous de manière dangereuse », etc… etc…

A mes débuts dans la profession, le parc automobile était moins important qu’à l’heure actuelle sur les routes, il y avait moins d’automobilistes. J’ai une famille où le petit dernier est loin d’être sorti d’affaire.

Heureusement que la grande a su se débrouiller très rapidement, elle a eu ce petit truc d’entrée de jeu qui permet de se faire remarquer par la densité, et l’avidité d’apprendre et de devenir quelque un de bien dans son existence. Oui, je l’avoue avec toute l’honnêteté d’un père, je suis très fier de mon Audrey chérie. Ah que voulez-vous j’adore mon fils, Marc-Antoine, qui souvent file du mauvais coton, mais il faut qu’il se reconstruise au gré de ses aspirations et de ses

expériences. Pour ma fille Audrey, j’ai l’impression que les années défilent, et je n’ai pas eu grand-chose à faire. Elle s’est souvent débrouillée toute seule, et puis vous savez, une relation père-fille, ce sont des liens très forts. Il faut reconnaître que j’ai un métier au stress permanent, à la couse aux commissions. Sans aucune nostalgie de ma part, le bon vieux temps où la parole était une chose sacrée, tout cela maintenant est terminé. De nos jours, les paroles sonnent creux, l’hypocrisie est monnaie courante. Les jeunes commerciaux que je prends sous mon aile protectrice, je leur enseigne surtout à bien écouter les interlocuteurs, pour plus tard pouvoir se faufiler dans une offre avantageuse, commercialement parlant, bien entendu! Je leur répète inlassablement de ne pas vendre leur père et leur mère, mais surtout de commencer par se respecter eux-mêmes, en gardant leurs valeurs morales.

Pour en revenir à la route et ses dangers, ok, je vous comprends, avant toute chose la sécurité, la route est devenue une jungle sauvage, mais moi, quand je suis dans l’exercice de mon noble métier, je ne goûte pas aux apéritifs qui font tourner la tête. Il faut comprendre qu’il y a des chauffards qui tuent des vies innocentes, et que, même s’ils regrettent, c’est toute une certaine éducation à avoir avec la responsabilité de tout un chacun.

Le respect de la route est une question de civisme, et d’une extrême attention et concentration aux obstacles qui peuvent survenir inopinément. Il faut admettre: conduire sous une importante emprise d’alcool, une lourde fatigue d’une journée bien remplie, des prises de médicaments avec des risques de somnolence, je peux citer d’autres exemples, mais bon, on va s’arrêter là. Ma société a misé sur la sécurité pour ses commerciaux, à savoir, GPS de navigation, oreillettes pour portables, véhicules qui offrent une commodité optimale, et des règles très strictes de sécurité. Notre automobile est notre gagne-pain quotidien, alors il faut la

bichonner avec les yeux de l’amour, comme ce regard attendri à la beauté d’une femme. Il faut admettre, si l’on est honnête envers nous-mêmes, que les clients deviennent de plus en plus exigeants, et pour la plupart ces jeunes venus du froid, qui se sont enrichis de manière insolente. On ne saisit pas toujours d’où proviennent tous ces capitaux. Quoi qu’il en soit, ce sont des vrais princes pour payer rubis sur l’ongle.

Ben oui, je vends des piscines comme des petits pains, à l’image de cet artisan boulanger qui se lève aux aurores, pour préparer sa pâte, et ainsi il façonne avec une méticulosité et un savoir-faire transmis avec passion. Après de durs labeurs, il voit sa récompense accomplie sur l’expression à la mine réjouie de ses clients.

Je me présente, Juan-Eduardo, commercial chevronné, vingt-six de boîte. On me surnomme dans la profession, le dinosaure de la vente! J’ai, comme beaucoup de méridionaux le tempérament du sud, c’est-à-dire que le feu brûle le long de mes veines. (Ce qui ne m’empêche pas de garder mon self-control dans des situations critiques, tout comme un pointeur lors d’une finale de pétanque menée de haute lutte, dans une partie acharnée qui se joue à un point près!)

Pour me décrire, je suis d’origine gitane, j’ai vu le jour à Sanlùcar de Barrameda, cela ne vous interpelle pas? Si vous prenez le soin de consulter des manuels de géographie, vous allez apprendre l’épopée de Christophe Colomb et de ses caravelles. Nous avons vécu dans une communauté gitane où nous nous entassions dans une caravane grande comme une boîte de sardine, à huit.

Quand j’évoque ces moments, il est vrai que je garde le souvenir de tous ces instantsd’insouciance, de découverte et de bonheurs vécus en compagnie de mes frères et soeurs. D’un autre côté, une certaine tristesse m’envahit, car ma soeur est partie vers des rêves colorés aux songes apaisants, il

y a de cela une vingtaine d’années.

Douce et tendre soeur, tu fus emportée par une foudroyante maladie des os, telle une fleur qui se fane en toute discrétion, jusqu’à tes derniers instants, tu es restée à ton image, silencieuse pour ne pas faire de bruit, digne malgré les souffrances qui consumaient ton âme.

Mon père a toujours gratté la guitare, et c’est peut-être pour cette raison que ma deuxième passion, c’est la musique. J’ai créé un groupe avec une bande de potes. Nous sommes les cordes fines gitanes. A nos débuts, venant tous de milieux très différents, on jouait de la variété française, les standards anglo-saxons, en passant par la musique sud-américaine aux rythmes lents et sensuels.

Mais, peu a peu, avec mon caractère, ma force de persuasion, et je pense surtout que nous sommes des potes à la vie à la mort, j’ai réussi à imposer ma musique gitane, « jobi, joba, cada dia yo te quiero mas… » Par le bouche à oreille, on a commencé à avoir une petite renommée, et aujourd’hui nous décrochons des contrats qui nous permettent de nous produire dans le grand sud, à savoir de Marseille à Bordeaux. Ma plus grande fierté, c’est que l’on va jouer dans les quartiers chauds de Marseille, dont les bénéfices seront intégralement versés aux sans-abris. Quand mes parents ont émigré de cette Espagne gouvernée par un dictateur, notre premier port d’attache a été Marseille.

L’intégration s’est faite progressivement dans ces quartiers aux diverses nationalités, mais je me répète encore une fois, pour bien marquer les mentalités, le mot d’ordre était l’entraide. Le petit écran crée des clichés de ces quartiers, et conditionne un climat d’instabilité et de peur. Souvent des journaleux parisiens, parce qu’on ne peut que les traiter de sorte, en cheville avec les élus, amplifient les faits qui sont relayés dès le lendemain par les canards à grands tirages, pour faire sensation, et être dans le vrai comme ils disent. Ils sont fadas, ils n’ont rien compris de ces quartiers ces snobs

de la capitale!

Tous ces enfants issus de l’immigration n’ont pas eu la chance, ni le privilège de naître dans les beaux quartiers, oui vous voyez ce que je veux dire, ben oueh, les quartiers chics de Neuilly! Je dois admettre qu’il y a quelques dérapages, quelques jeunes en manque de repères qui font des bêtises, mais n’est-ce pas avant tout un signal de détresse pour essayer d’exister, vis-à-vis de cette société qui les a trop vite condamnés? Il est vrai que parfois les choses vont plus loin, mais de là à dire que c’est pire que le Bronx, il ne faut pas pousser!

L’autre jour, j’ai fait un peu d’ordre et je suis tombé sur un vieux cartable m’ayant appartenu. Quelle a été ma surprise quand j’ai découvert des écrits de mon adolescence, lors de cette période fragile, où l’on est un plus un enfant et pas encore un homme. Ma gorge s’est nouée en lisant les premières phrases. Pour la petite histoire, je suis parti de Séville à l’âge de trois ans. J’en ai les larmes aux yeux, quand je découvre cette écriture malhabile, où l’assurance et la force des années déterminent nos traits de caractères, et que les souvenirs de ces familles espagnoles avec leur générosité ont imprégnés le destin de plusieurs existences en devenir.

Je ferme les yeux et une série d’images se mélangent, tel un peintre qui harmonise sa palette de couleurs. Je ne me voile pas la face à vouloir faire du misérabilisme accru.

Non, je crois à l’enfant qui m’habite avec ma propre histoire, et qui me donne la force d’aller de l’avant, pour que chaque jour j’aperçoive les réelles valeurs de la vie, la familière compagnie de ce berger (mon grand-père), ses conseils avisés, et ses valeurs intrinsèques, la narration si touchante des bribes de son histoire.

Je me reconstruit près de ce feu de cheminée où, avec mes

yeux d’enfant, je redécouvre l’amour qui ne m’a vraiment jamais quitté. Oui, cet amour qui ne pourra pas s’éteindre, tout comme ces braises qui, dans un dernier soupir offrent leurs énergies, pour mieux réchauffer nos âmes éteintes.

Le sommeil viendra achever une journée différente à une autre. Dans le silence de la nuit, l’ombre omniprésente de ta pensée viendra me chuchoter :

-Dors mon tendre enfant.

-Toi aussi, fais de beaux rêves, mon cher et affectueux papa…

Marie-Madeleine

La maison est vide, ce moment qui est pour moi le plus agréable de la journée. Je vais pouvoir siroter un savoureux café arabica, et évoquer des instants d’une vie, en toute quiétude, sans que Marc- Antoine me rabâche comme à l’accoutumée:

-Maman, peux-tu, s’il te plaît, me repasser le col de la chemise?

-Maman chérie, peux-tu me refiler vingt euros?

Il est de nos jours, à l’aube de la cinquantaine, de bien comprendre ses propres enfants. Nous essayons avec leur père Juan- Eduardo, de leur inculquer une éducation, et surtout le sens du respect.

Du moins, nous avons essayé avec les moyens du bord, car mon homme est un vrai cyclone, toujours en mouvement, mais aussi une arlésienne. Mais je ne peux pas lui en vouloir, il a délaissé la musique et ses potes provisoirement. A la suite de ma deuxième dépression, il restait le soir après son travail à mon chevet, pour m’encourager et me tenir la main délicatement en me susurrant des mots tendres qui réchauffent le coeur!

Je me rappelle, comme si c’était hier, l’instant de notre rencontre. Il jouait dans un bar en vogue à l’époque, où les jeunes branchés se donnaient rendez-vous. Nos regards se

sont croisés et se sont électrisés. Trois mois plus tard, je l’accompagnais lors de ses tournées. Au bout de six mois, nous étions officieusement fiancés. Treize mois plus tard, je portais Audrey dans mon ventre.

Je ne vais pas dire que tout a été un conte de fée, mes parents voyaient d’un mauvais oeil notre relation. Pour la petite histoire, dans notre lignée familiale, j’ai une grande famille qui professe dans le corps enseignant. Mon grand-père était directeur de collège, mon père professeur de philosophie, mon oncle instituteur du cours moyen.

Quand à moi, j’ai repris le flambeau, je suis professeur de français, et ma fille Audrey elle est professeur de lettres, la relève est assurée. Quoi qu’il en soit, au nom de notre amour, Juan- Eduardo ne s’est jamais laissé intimider par la belle famille, le niveau social, très peu pour lui. Juan- Eduardo est un homme qui sait ce qu’il veut, et peu de choses lui résistent, avec sa volonté à toute épreuve!

Il a un physique de rugbyman, il est large d’épaules, une musculature entretenue avec soin, mais sa plus grande force réside dans ses courts discours qui captivent rapidement l’assemblée présente. Souvent, je le taquine en lui affirmant qu’il est né avec ce don et que, déjà dans la roulotte de ses ancêtres, une bonne étoile veillait sur lui!

Je ne pense pas vouloir faire, voire établir un bilan, mais dans mes instants de solitude et de réflexions, j’ai accouché de ces lignes, où l’agilité de mon poignet a laissé toute une liberté de ton à ma plume inspirée. Cette passion de Juan- Eduardo pour la musique et le chant gitan, lui accapare une bonne partie de son temps, et il délaisse un peu à mon goût, notre belle demeure provençale aux allées ornées d’oliviers qui rappellent encore plus profondément les souvenirs andalous à mon homme. Je ne peux pas, tout de même, le retenir prisonnier toute une vie, sachant que mes problèmes remontent à l’enfance.

Il s’agit d’une partie de ma propre histoire. Mon homme a le droit d’assouvir ses passions, il est si généreux et si patient avec moi et les enfants. Quant à nos enfants, ils passent me voir en coup de vent. Il faut reconnaître qu’Audrey me téléphone tous les soirs, pensez, à vingt-sept ans, elle va devenir maman à son tour. Par la même occasion, j’ai du mal à m’y faire! Dans les mois qui se profilent à l’horizon, je vais devenir grand-mère à presque cinquante ans!
Ma fille se confie depuis la nuit des temps à son père. Ils se sont toujours compris par un simple regard.
Face à ce temps qui s’éclipse, mes enfants sont la source tumultueuse où se reflètent nos regards passionnés.

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