Une maille à l’endroit, une maille à l’envers, elle tricote sans cesse, pour le plaisir de façonner des œuvres avec des pelotes de laine colorées. Pourquoi cette obsession du tricotage?
Elle, seule au fond de son âme connaît la raison à vouloir piquer et repiquer ses aiguilles et la laine épaisse qui s’amenuise, pour créer des motifs enchanteurs et enjoués.
Dans cette petite maisonnée, où dehors sur le fil battent les draps malmenés par ce vent corrosif et frileux, derrière les carreaux, et malgré son âge avancé elle répète des gestes ancestraux.
Il ne peut pas s’agir d’une obsession que de faire plaisir à ceux que l’on apprécie, que l’on choisisse une activité débordante pour pouvoir tuer le temps, quand arrive l’âge de la retraite bien sonnée, et que les années défilent dans la succession d’une pensée qui se veut tenace. La vieillesse vous attrape comme les jeunes racines d’un plantureux arbre, où ces dernières se ramifient, et un jour elles deviennent d’anciennes souches mouillées par les intempéries du temps, elles sont oubliées pour toujours, dans les ronces d’une nature envahissante! Qui peut bien comprendre l’histoire de cette dame agée, quand on prend quelques minutes de son temps pour l’écouter attentivement.
– On était jeunes, on était séduisants, nous avions la fougue de la jeunesse, sans peur et sans reproche, et surtout le jeu des interdits. Cette beauté éclatante, cette tenue avec tant d’assurance, ce regard qui vous foudroyait à vous glacer le sang. Il venait de Hambourg, il était diplômé d’une maîtrise de droit, et une fois rentré en Allemagne il allait poursuivre ses études et devenir magistrat. Il a longtemps été bercé dans le milieu juridique avec un père avocat de renom, qui s’était spécialisé dans la défense juridique des entreprises nationales qui s’exportaient dans le grand nord américain, et quand à sa mère, elle avait exercé la profession de juriste, elle avait une solide réputation elle aussi, très méticuleuse au tribunal pénal de Hambourg, rien ne lui avait échappé
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